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CHAPITRE VI.

L’Humilité nous fait aimer notre propre abjection.


JE passe plus avant, Philothée, et je vous dis que vous aimiez en tout et partout votre propre abjection ; mais vous me demanderez peut-être ce que c’est qu’aimer sa propre abjection : je vais vous en instruire,

Ces deux termes, abjection et humilité, n’ont qu’une même et seule signification dans la langue latine ; ainsi, quand la sainte Vierge nous dit, en son divin cantique, que toutes les générations publieront son bonheur, parce que le Seigneur a regardé son humilité, elle veut nous faire entendre que Dieu a daigné jeter les yeux sur sa bassesse et sur son abjection, pour la combler de grâces et de gloire. Il y a néanmoins une grande différence entre la vertu d’humilité et l’abjection ; car l’abjecțion n’est autre chose que la bassesse, la petitesse et la foiblesse qui est réellement en nous, et indépendamment de nos réflexions ; mais l’humilité est une véritable connoissance que nous avons de notre abjection, et qui nous porte à la reconnoître volontairement en nous. Or, la perfection de l’humilité consiste non-seulement à reconnoître notre abjection, mais à l’aimer et à nous y complaire, non pas par aucune bassesse d’esprit, ni lâcheté de cœur, mais