Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/215

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leurs armées, cette marche ne leur plaît guères, quoique le bien public y soit intéressé, par la raison que, quelque bonne discipline qu’ils fassent observer à leurs troupes, il est impossible que plusieurs particuliers ne souffrent beaucoup par la licence du soldat : de même quand la raison exerce avec douceur les droits de son autorité par quelque correction, ou par quelques châtimens, chacun l’approuve et l’aime, quelque exactitude de sévérité qu’il y paroisse ; mais quand la raison y emploie l’indignation, le dépit et la colère, que saint Augustin appelle ses soldats, elle se fait plus craindre qu’aimer, et elle en demeure elle-même troublée et incommodée. Il vaut mieux, dit saint Augustin, écrivant à Profuturus, fermer l’entrée du cœur à la colère : quelque juste qu’elle soit, que de l’y recevoir, pour petite qu’elle soit ; parce qu’elle y jette de si fortes racines, qu’il est très-difficile de l’en arracher ; semblable à une petite plante qui devient un grand arbre. C’est donc avec justice que l’Apôtre nous défend de laisser coucher le soleil sur notre colère ; car elle se change en haine durant la nuit ; elle devient presque implacable, et elle se nourrit dans le cœur de beaucoup de faux raisonnemens, nul homme n’ayant jamais cru sa colère injuste.

La science de vivre sans colère est donc meilleure que celle de s’en servir avec