qu’un autre se permit ce même désir à notre égard. Ce fut le péché d’Achab, de vouloir avoir injustement la vigne de Naboth, qui la vouloit encore plus justement garder ; ce Roi la désira ardemment, long-temps et avec inquiétude, pourtant il offensa Dieu.
Attendez, Philothée, à désirer le bien du prochain quand il commencera à désirer de s’en défaire ; et alors son désir rendra le vôtre juste et charitable. Oui, je consens que vous vous appliquiez à l’augmentation de votre bien, pourvu que ce soit avec autant de charité que de justice.
Si vous aimez les biens que vous avez, s’ils occupent votre prudence avec empressement, si votre esprit y est, si votre cœur y tient, si vous sentez une crainte vive et inquiète de les perdre ; croyez-moi, vous avez encore quelque sorte de fièvre, et le feu de l’avarice n’est pas éteint : car les fébricitans boivent l’eau qu’on leur donne, avec une certaine avidité, application et joie, qui ne sont ni naturelles, ni ordinaires aux personnes saines ; et il n’est pas possible de se plaire beaucoup à une chose, sans que l’on n’y ait un grand attachement. Si, dans quelque perte de biens, vous sentez votre cœur affligé et désolé, croyez-moi encore, Philothée, vous y avez beaucoup d’affection, puisque rien ne marque mieux l’attachement que l’on avoit à ce que l’on a perdu, que l’affliction de la perte.