Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/302

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comme dit le Prophète Amos, ne jugeant jamais du prochain qu’en toute rigueur et avec dureté. Ceux-là ont besoin d’un médecin spirituel qui soit bien habile, d’autant que ce mal leur étant naturel, il est difficile de le vaincre ; et quoique cette amertume de cœur ne soit pas un péché, mais seulement une imperfection, elle est toutefois une indisposition habituelle, fort déterminante au jugement téméraire et à la médisance. Quelques-uns jugent témérairement, non pas par rigueur d’esprit mais par orgueil, voulant se persuader qu’à proportion qu’ils abaissent les autres, ils relèvent leur propre mérite : esprits arrogans et présomptueux, qui s’admirent sans cesse, et qui s’élèvent si haut dans les idées de leur propre estime, qu’ils regardent tout le reste comme quelque chose de bas et de petit. Non, disoit ce sot pharisien, je ne suis pas semblable aux autres hommes. Il en est d’autres dont l’orgueil n’est pas si déclaré, et qui considèrent le mal de leur prochain avec complaisance, et par rapport au bien qu’ils pensent être en eux, pour le goûter avec plus de douceur dans cette opposition, et pour s’en faire estimer davantage : or, cette complaisance est si imperceptible, qu’il faut avoir de bons yeux pour l’apercevoir : jusques-là même, que ceux qui en nourrissent leur cœur ne la voient pas d’ordinaire, à moins qu’on ne la leur dé-