Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/384

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primer les petites colères, dont les occasions se présentent à tous momens. Il est facile à un homme ou à une femme de ne pas commettre d’adultère ; mais il n’est pas également facile de conserver la pureté des yeux, de ne rien dire ou de ne rien entendre avec plaisir de tout ce qu’on appelle cajolerie, de ne pas donner, ou de ne pas recevoir de l’amour, ni de menues faveurs d’amitié. Ce n’est pas une chose difficile, que de ne point donner visiblement et extérieurement un rival à un mari, ou une rivale à une femme ; mais il est assez difficile de ne lui en point donner au fond du cœur. Il est bien aisé de ne point dérober le bien d’autrui, mais mal aisé de ne le pas muguetter et convoiter ; bien aisé de ne point porter de faux témoignages en jugement, mais mal aisé de ne point mentir en conversation ; bien aisé de ne point s’enivrer, mais mal aisé d’être sobre ; bien aisé de ne point désirer la mort d’autrui, mais mal aisé de ne point désirer son incommodité ; bien aisé de ne le point diffamer, mais mal aisé de ne le point mépriser. Enfin, ces petites tentations de colère, de soupçons, de jalousie, d’envie, d’amitiés folles et vaines, de duplicités, de vanité, d’afféterie, d’artifice, de pensées sensuelles, tout cela, dis-je, fait même l’exercice continuel de ceux qui sont les plus dévots et les plus déterminés à bien vivre. C’est pourquoi,