Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette affreuse Ville ; ils y souffrent des tourmens qu’on ne peut expliquer, dans tous leurs sens, et en tout leur corps ; car comme ils ont employé à pécher tout ce qui étoit en eux, ils endureront aussi dans tout ce qu’ils sont, les peines dues au péché : ainsi les yeux souffriront pour leurs regards criminels, la vue des démons en mille formes hideuses et la vue de l’enfer. L’on n’entendra que pleurs, lamentations, désespoirs, blasphèmes et discours diaboliques : ce qui sera un tourment spécial pour punir les péchés commis par le sens de l’ouïe ; et il faut dire la même chose des autres sens.

2. Outre tous ces tourmens, il y en a un beaucoup plus grand : c’est la privation et la perte de la gloire de Dieu qu’ils ne verront jamais. Quelque douce que fût la vie d’Absalon dans Jérusalem ; il protesta que le malheur de ne pas voir son cher Père, depuis deux ans, lui étoit plus intolérable, que ne lui avoient été toutes les peines de son exil. O mon Dieu ! quelle peine sera-ce donc, et quel regret d’être éternellement privé de votre vue et de votre amour !

3. Considérez surtout l’Éternité, laquelle toute seule rend l’Enfer insupportable. Hélas ! si la chaleur d’une petite fièvre nous rend une courte nuit fort longue et ennuyeuse, que sera donc l’épouvantable nuit de l’Enfer, où l’éternité est jointe à l’excès de la douleur ? Et de cette Éternité nais-