Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
du Pais de Liége.

Elles ſumoient encore, lorſque cette Ville infortunée qui venoit d’être le Théatre de la barbarie des Étrangers, devint celui de la cruauté du petit nombre de ſes Citoïens, qui avoient échapé au fer & au feu. Une partie de ces miſérables restes, conjura la perte de ſon ſouverain ; l’autre entreprit ſa défenſe ; la guerre civile ſuccéda à celle, dont les deux partis voïoient les épouvantables éfets.

    les Juriſconſultes de la France & des Païs-Bas, fit mettre la Ville en interdit.

    Les Liégeois en interjéterent apel ; l’apel fut condamné par le S. Siége, & l’interdit confirmé, mais les Liégeois, ſans s’embaraſſer du Jugement du S. Siége, dépoſérent Louis de Bourbon, & mirent à ſa place Marc de Bade, ſous le beau titre de Regent, Gouverneur, Adminiſtrateur du Païs de Liége, &c. Ils lui firent prêter ſerment, le lui prêtérent, & écrivirent enſuite au Pape, pour le prier de confirmer la déposition de Louis de Bourbon, & l’Élection de Marc de Bade, atendu que ces deux actes étoient reſpectivement justes & légitimes.

    Pour en donner une preuve convaincante, le Regent, déclara la guerre au Duc Philippe-le-Bon, ſous prétexte qu’il étoit en guerre avec le Roi de France, alié des Liégeois —, mais le véritable motif étoit de mettre Philippe le Bon hors d’état, de prendre la défenſe des intérêts de Louis de Bourbon ſon neveu.

    Il eut beau protester qu’il n’avoit rien à démêler avec les Liégeois, il fut obligé de mettre une Armée ſur pied, pour défendre ſes États, qui étoient ataqués par ces derniers.

    À la vûë des Troupes du Duc, le Marquis de Bade, Général de celles du Regent ſon frere, à la tête deſquelles il tenoit la campagne, & ravageoit les Frontiéres des États de Philippe-le-Bon, reprit le chemin de l’Allemagne, & le fit reprendre au Regent. On n’entendit plus parler de l’un ni l’autre.

    Les Liégeois, abandonnés à eux-mêmes, continuoient de ravager les États du Duc, & les Contrées du Païs de Liége, qui étoient restées ſous l’obéiſſance de Louis de Bourbon ; il falut enfin en venir à un combat, il ſe donna auprès de Montenac, & ils y laiſſérent environ 2000. hommes. Cette perte les obligea à lever le ſiége, qu’ils avoient formé devant Limbourg, & à demander la paix.

    Le Duc & l’Évêque la leur acordérent, il leur en coûta ſix cens mile florins du Rhin, païables dans ſix ans. La ſeconde condition fut que Philippe-le-Bon & ſes Succeſſeurs Ducs de Brabant ſeroient à l’avenir Protecteurs de l’Égliſe de Liége, que l’État leur païeroit en cette qualité chaque année 2000. florins du Rhin, & que les Liégeois ne pourroient entreprendre aucune guerre, ni aucune afaire importante, ſans la permiſſion du Protecteur.

    Les factions ne ceſſérent pas avec la guerre ; elles s’acrurent au contraire, ſe fortifiérent, éclatérent, & remirent enfin les choſes au même état qu’elles étoient avant la paix.

    Les Liégeois recommencerent la guerre contre leur Évêque & contre Charles le-Temeraire, Fils & Succeſſeur du Duc Philippe-le-Bon. On en vint aux mains, les Liégeois perdirent environ 9000. hommes & presque