Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
du Pais de Liége.

Il païa à la vérité ſon crime de ſa tête ;[1] mais ſon ſang ne parut être repandu ſur la terre, que comme une ſemence de nouveaux ſoulévemens, comme un grain du germe, duquel devoient bientôt ſortir une infinité de révoltes, ſemblables à celle au ſujet de laquelle il avoit été répandu.

Ce mauvais fruit fut en éfet produit en très-peu de tems. Un regne de vingt-une année ne fut pas aſſés long pour étoufer cette monſtrueuſe production. Le Succeſſeur du Prince maſſacré, au glaive près, ſut expoſé aux mêmes diſgraces, aux mêmes inſultes, aux mêmes ré-

    du Duc Charles, il ſuivit ſon premier objet, qu’il avoit afecté d’abandonner ; & livré tout entier à ſon ambition, ſoutenu de la faction qu’il avoit formée & entretenuë, il déclara la guerre à ſon Souverain, & l’aſſiégea dans ſa Capitale.

    Les ſujets restés fidéles à leur Prince, ſe rangérent ſous ſes étendarts, & ſortirent avec lui, pour repouſſer l’ennemi commun ; mais au premier choc, le Prince ſut bleſſé & renverſé de ſon cheval. Il demanda vainement la vie à celui qui lui étoit redevable de l’air qu’il reſpiroit. Guillaume d’Aremberg, loin de ſe laiſſer atendrir, lui enfonça le poignard dans la gorge, & craignant que ce coup ne fut pas mortel, il ordonna à un de ſes ſoldats d’achever ce Prince expirant.

    Après ce parricide, Aremberg ſous le nom de Protecteur du Païs, s’empara du Gouvernement, fit élire ſon fils Evêque & Prince de Liége, & tant en ſa qualité, qu’en celle d’Adminiſtrateur de la perſonne & des biens de ſon fils, il diſpoſa de tout en Souverain, ou plûtôt, en Tiran. Il n’oublia point de faire batre monnoie, & d’en faire fraper les eſpéces au coin de Jean d’Aremberg ſon fils, prétendu Prince. Il y a plus d’une voie pour parvenir à l’immortalité.

    V. pour la preuve de tous ces faits Sufride, Fiſen, Foullon, Boüille, en la vie de Louis de Bourbon, P. Heuter, en celles des deux Philippe-le-Bon, & Charles-le-Téméraire.

  1. Quoique l’Élection forcée de Jean d’Aremberg fut radicalement, & essentiellement nulle, Guillaume ſon Pere, qui l’avoit fait faire, & qui ſous ſon voile avoit tranché du Souverain, pendant près de 3. ans, ne laiſſa pas d’en ſoutenir la validité en Cour de Rome, & de contester celle, qui avoit été faite par le Chapitre, lorſqu’il avoit eté en liberté, de la perſonne de Jean de Horne, Prévôt de l’Égliſe de Liége mais la premiére aiant été declarée nulle, & la ſeconde aiant été confirmée par le St. Siége, les choſes changérent de face.

    Guillaume d’Aremberg, qui étoit encore puiſſamment ſoutenu, voulut bien ſe ſoumettre à la déciſion du St. Siége, mais ce fut à condition i. que l’on ne pourroit lui demander la reſtitution de toutes les ſommes qu’il avoit touchées, pendant les trois ans de ſon adminiſtration : 2. qu’il lui ſeroit païé 30000. flamandes pour le dédomager des pertes qu’il avoit faites, pendant cette adminiſtration ; 3. que l’on donneroit à Jean d’Aremberg ſon fils, des Bénéfices juſques à concurrence de la ſomme de 1000. pieces même monoie, & celle de 11000. pour le dédomager d’une partie des