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Les Délices

étoient ſortis, & mit les Provinces qu’ils avoient déſolées ſous la protection des Romains.

Un procédé ſi magnanime en aparence, aquit à Céſar, l’estime, la confiance, le reſpect, la vénération, & qui plus eſt, le cœur des Peuples, auxquels il venoit de rendre un ſervice ſi important.

Leur exemple fut un apas ſéducteur pour leurs voiſins. Ils n’atendirent point que Céſar leur ofrît l’amitié & la protection de la République Romaine ; ils ſe firent un honneur, & même un devoir de prévénir ſes généreuſes intentions ; de lui demander avec ſoumiſſion & reſpect, ce qu’il étoit diſpoſé à leur acorder & à leur ofrir avec politeſſe & avec empreſſement.

Ce bien imaginaire & idéal, ou plûtôt cette contagion réelle & éfective, gagna inſenſiblement de Province en Province, & fraïa au Conquérant ruſé un chemin aſſuré à la gloire, & & l’exécution de ſon projet[1] depuis le pied des Alpes, juſqu’aux Provinces voiſines du Rhin.

L’avantage que les habitans du quartier des Aduaticiens avoient eu ſur ceux du quartier des Eburons les aiant ſi fort enorgueillis, leur avoit perſuadé qu’étant vainqueurs de leurs voisins, ils étoient en état de s’opoſer aux progrès des armes des Romains, & de fixer l’Inconſtance, cette aveugle Divinité, qui s’étoit ſi ouvertement déclarée pour Céſar.

Dans cet flateuſe idée, ils refuſérent non ſeulement de fléchir le genoüil devant cette Idole, à laquelle preſque tous les autres Gaulois avoient prodigué leur encens ; mais ils rejetérent avec hauteur l’aliance du Peuple Romain, qui leur fut propoſée, & oferte de ſa part.

Il n’en faloit pas tant pour s’atirer la haine, & l’indignation d’un Général, dont les vûës ambitieuſes étoient ſecondées par la fortune ; il ſût ſe procurer par la force, ce qu’il n’avoit pu obtenir par l’artifice. Il assiégea les Aduaticiens : d’ami qu’il vouloit être, il fut bientôt le vainqueur, & le maître abſolu de tous les habitans de ce Canton.

Céſar
  1. Juſqu’aux Nerviens, Peuples qui habitoient la Contrée, qu’on appelle aujourd’hui le Hainaut.