Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/127

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en ces horribles lieux,
Où l’on voit en tout temps la colere des cieux.
Celuy qui veut tromper par sa ruse fatale,
Ceux qui viennent des bords de la mer glaciale,
Leur dit qu’en Italie un eternel esté,
Brusle tout, par le feu qui du ciel est jetté.
Helas ! Mes compagnons, leur dit-il, la nature
Nous a mis dans la glace, et parmy la froidure ;
Et cette ambition qui porte là nos pas,
Nous met parmy la flâme, où nous ne vivrons pas.
Celuy qui des Lapons veut irriter la troupe,
Leur monstrant des vaisseaux, et la proüe et la poupe,
Et fier comme ils sont fiers, d’un ton imperieux,
Essayant d’esmouvoir leur esprit furieux ;
O peuples agissans, leur dit-il, ces navires,
Si je ne me deçoy, seront tous nos empires :
Et nous allons vieillir en errant sur les flots,
Pirates sans honneur, et chetifs matelots.
Par un calme profond la flotte retenuë,
Ne pourra s’esloigner d’une plage inconnuë :
Tous les vents enfermez dormiront sous les eaux,
Et nous mourrons d’ennuy sur ces maudits vaisseaux.
Enfin ces noirs demons du tenebreux empire,
Par l’oculte fureur que leur malice inspire,
Esmeuvent tout le camp, et par d’autres moyens,
Mettent une autre crainte au cœur des citoyens.
Des plus vieux habitans ils prennent la figure ;
Et dans le mesme temps que le soldat murmure,