Et l’on voit les soldats, armez et desarmez,
Se placer en desordre en leurs rangs mal formez.
En vain la voix des chefs, incapables de crainte,
S’oppose à la terreur dont l’armée est atteinte :
Le soldat effrayé ne les reconnoist plus,
Et leurs sages discours, sont discours superflus.
Le peuple, d’autre part, dresse une barricade ;
Menace le palais ; et songe à l’escalade :
Tous parlent sans s’entendre en cette occasion ;
Et par tout est la crainte et la confusion.
Alaric entendant cét horrible tumulte,
Suit le noble transport du grand cœur qu’il consulte :
Court se mettre au milieu de son camp furieux,
La colere meslée à l’esclat de ses yeux :
Et par son assurance à vaincre accoustumée,
Il l’oste aux plus mutins qui soulevent l’armée.
Quel demon, leur dit-il, agiste vos esprits ?
Quelle est cette frayeur dont vous estes surpris ?
Quel est ce foible cœur qui s’oppose à ma gloire,
Et qui veut m’arracher l’honneur de la victoire ?
Que ce lasche qui craint une si belle mort,
Vive dans sa bassesse, il est encor au port.
O merveilleux effet d’un cœur si magnanime !
Le soldat en l’oyant est honteux de son crime :
Il en baisse les yeux ; se retire sans bruit ;
Et se revoit vaillant, par son roy qui l’instruit.
Sur le peuple en fureur il gagne mesme Palme :
La ville est en repos ; le camp redevient calme ;
Et l’immortel heros qui triomphe
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