Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/206

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Le voit avec fureur, ne pouvant l’arrester ;
Et foüette sa colere afin de l’exciter.
Rigilde tout de mesme, en pareille rencontre,
Solicite sa haine, et veut qu’elle se montre :
Se plaint de son malheur comme de son sçavoir :
Et voit en enrageant ce qu’il veut ne point voir.
Cependant la chaloupe avance vers la flote,
Conduite heureusement du celeste pilote :
Et de ces trois escueils qui sont dans le destroit,
C’est desja le second que le marinier voit.
Mais comme il en aproche, une voix pitoyable,
Vient causer au heros un tourment incroyable :
Car faisant retentir les rochers et les bois,
Il entend qu’on l’apelle, et l’entend par deux fois.
Alaric, Alaric, dit la voix gemissante ;
Voix qui bien que fort foible, est pourtant fort puissante :
Alaric, Alaric, dit-elle de nouveau,
Si vous sçavez aymer, sauvez moy du tombeau.
Le cœur de ce heros bondit à cette atteinte ;
Il rougit, il paslit, de colere et de crainte ;
Il connoist cette voix ; et vers ces tristes lieux,
Il porte esgalement, et le cœur et les yeux.
Mais à peine ses yeux eurent fait leur office,
Que son cœur sent encor redoubler son suplice :
Car entre ces rochers il voit distinctement,
La belle Amalasonthe au bord du monument.
Quatre soldats affreux à mines effroyables,
Y tournent vers son cœur leurs dards impitoyables :
L’un