Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/230

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Pour ne luy rendre pas un si juste tribut,
Luy qui calme l’orage, et d’où vient mon salut.
C’est luy qui m’a sauvé ; c’est luy qui vous inspire ;
Qui vous dit qui je suis, et pourquoy je soupire ;
Oüy, je le voy plus haut, que le monde n’est bas ;
Oüy, j’espere ; je crois ; mais qui ne croiroit pas ?
O prince genereux, respond le solitaire,
Dont par son propre éclat la raison est si claire,
De combien de sçavants feriez-vous de jaloux,
Si l’art eust achevé ce que l’on voit en vous !
Un si beau naturel secondé par l’estude,
Qui sçait purger l’esprit de ce qu’il a de rude,
Eust eslevé vostre ame en un rang sans pareil,
La rendant lumineuse autant que le soleil.
Les Goths, les braves Goths, seroient incomparables,
(Comme ils le sont desja par leurs faits memorables)
Si l’amour du sçavoir, si l’amour des beaux-arts,
Eust partagé leur ame avec celle de Mars.
Les clartez de l’estude illuminent cette ame,
Et redoublent encor sa belle et noble flâme ;
La portent à la gloire avec plus de chaleur ;
Et donnent un grand lustre à sa rare valeur.
Elle agit beaucoup mieux, comme elle est mieux instruite ;
Elle a plus de succès, comme plus de conduite ;
Elle suit la raison ; jamais ne s’en despart ;
Et n’abandonne point sa fortune au hazard.
Elle regarde loin ; elle prevoit les choses ;
Elle songe aux effets, en concevant les causes ;
Et comme