Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/232

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Pour moy qui suis lassé du monde et de la cour ;
Moy qui suis relegué dans ce charmant sejour ;
J’ay gousté les plaisirs ; j’ay connu la puissance ;
Et la haute fortune ; et la haute naissance ;
J’ay vescu dans la guerre ainsi que dans la paix ;
Et rien de tout cela ne m’affermit jamais ;
Et rien de tout cela ne me pût satisfaire ;
Tout ce que je faisois je le voyois deffaire ;
Mais enfin je connois, faisant mieux mon devoir,
Qu’il n’est que deux vrais biens, le ciel, et le sçavoir.
Oüy, prince, j’ay connu dans cette solitude,
Le peu que vaut le monde, et ce que vaut l’estude :
Et dans ce grand repos de l’esprit et du corps,
Mes livres bien-aymez sont icy mes thresors.
Ha ! Si je vous comptois quelle fut mon histoire,
Vous verriez que le rang, la richesse, la gloire,
Les plaisirs, les honneurs, tout n’est que vanité,
Et qu’il n’y faut chercher nulle solidité.
Qu’elle n’est qu’en Dieu seul, et que dans la science ;
Que l’on s’esleve à luy par cette connoissance ;
Et que les grands autheurs par leurs doctes escrits,
Peuvent seuls affermir le repos des esprits ;
Servir utilement, à toute heure, en tout âge ;
Et qu’enfin leur secours est un grand avantage.
Mon pere, dit le roy, je suis prest d’escouter :
Sans doute vostre vie est belle à racompter :
Je n’y puis que gagner, car je n’y puis qu’aprendre :
Et si vous le voulez, je suis prest à l’entendre.