Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/234

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ordre, et sans chois :
Ma main eust espuisé tous les thresors des rois :
Mes prodigalitez apauvrissoient mon maistre :
Je ne connoissois point le flatteur ny le traistre :
Je ne discernois point le vice et la vertu :
Le lâche triomphoit sans avoir combatu :
Le vaillant combatoit sans nulle recompense :
Tout l’estat travailloit pour ma folle dépense :
Et du pur sang du peuple usant mal à propos,
Je l’accablois enfin par d’injustes imposts.
Sous mon authorité l’innocence opprimée,
Enduroit mille affronts de l’injustice armée :
Tout crime estoit licite, appuyé de mon nom ;
Et rien n’estoit mauvais quand je le trouvois bon.
Le secret des conseils, cette ame des affaires,
N’estoit plus ignoré des personnes vulgaires :
Tout le monde sçavoit les desseins de mon roy ;
Je les disois moy-mesme, et d’autres apres moy.
Dans les estats voisins ma haute negligence,
N’entretenoit jamais aucune intelligence :
J’ignorois le dedans ; j’ignorois le dehors ;
Et je ne connoissois les foibles ny les forts.
Mais quand cette conduite eut esmeu le tonnerre,
Et qu’il falut passer de la paix à la guerre,
Pour punir mon orgueil des maux qu’il avoit faits,
Je me vis ignorant en guerre comme en paix.
Je campois mal, seigneur, j’attaquois mal les places :
En comptant mes combats, on comptoit mes disgraces :