Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/260

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feu si subtil, qu’on n’y peut resister,
Car mesme sans matiere il pourroit subsister.
L’effet prodigieux de ces terribles flâmes,
Ainsi que sur les corps peut agir sur les ames :
Et l’occulte pouvoir de son activité,
Fait sentir à ces morts son immortalité.
Un vert meslé de rouge, et d’une couleur sombre,
Y mesle en petillant, et la lumiere, et l’ombre :
Et ce meslange affreux, qu’accompagne un grand bruit,
Luit eternellement en l’eternelle nuit.
Mais c’est d’une lumiere à tant d’ombre meslée,
Qu’elle espouvante encor la troupe desolée :
Qui voit confusément les objets qu’elle voit,
Et qui sent mieux ce feu qu’elle ne l’aperçoit.
Pres de ces lieux bruslans sont des grotes glacées,
Ou plutost de glaçons des roches entassées,
Dont l’horrible froideur, pres de ces feux ardents,
Fait geler, fait transir, et fait grincer les dents.
Les ames des damnez, dont le mal tousjours dure,
Passent du chaud extrême, à l’extrême froidure :
Puis du froid excessif, à l’ardente chaleur :
Et ces tourmens divers augmentent leur douleur ;
Et l’eternel combat des qualitez contraires,
Redouble en les changeant, leurs peines ordinaires.
Mais leur plus grand supplice, est qu’eternellement,
Ce qui fit leurs plaisirs, fait la-bas leur tourment :
Et qu’eternellement dans l’infernal abysme,
Ils ont devant les yeux l’image de leur crime :