Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Lieux deserts, lieux maudits, où va ce vaillant roy ;
Et dont le triste aspect imprime de l’effroy.
Mais durant que le camp s’estonne et les regarde,
Radagaise le fier qui conduit l’avant-garde,
Dans ces obscurs vallons s’enfonce hardiment,
Fait défiler ses gents, et marche lentement.
Parmy ces grands rochers les troupes enfermées,
Ne voyant ny sentiers, ny traces imprimées,
Dans ces chemins scabreux, et coupez de torrens,
Avec difficulté guident leurs pas errans.
L’un glisse ; l’autre tombe ; et cét autre s’accroche,
Pour monter seurement aux pointes de la roche :
Il avance ; il recule ; et parmy ces destours,
La file en serpentant, marche et monte tousjours.
Comme on voit dans les champs une rustique troupe,
Qui d’un tertre ondoyant tâche à gagner la croupe,
La faucille à la main, se suivre ; se presser ;
Empoigner les espics ; les abattre ; et passer.
Ainsi voit-on alors ces troupes aguerries,
Et parmy les travaux en leurs païs nourries,
Les armes à la main marcher en se pressant ;
Se prendre à des buissons, et les rompre en passant.
Mais comme Radagaise enfin leve la teste,
Un haut retranchement le surprend et l’arreste :
Dont le large fossé qui s’oppose à ses pas,
Luy fait un grand obstacle, et qu’il n’attendoit pas.
A peine l’a-t-il veu, qu’avec des cris horribles,
Aigus, et menaçans, redoublez, et terribles,
Tous les soldats romains lançant leurs javelots,
Esclaircissent la file, et