Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/324

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Tel gagne des combats qui n’est pas le plus brave :
Tel devroit estre roy que le sort fait esclave :
Et l’on doit croire enfin, au poinct où l’on vous voit,
Que faisant ce qu’on peut, on fait tout ce qu’on doit.
Seigneur (dit le Romain, en soûpirant encore)
Le secret desplaisir qui mon ame devore,
Ne vient point de mes fers qui me sont glorieux,
Les tenant du plus grand des roys victorieux.
Je connois la fortune, et je sçay ses malices :
Mon ame est preparée à souffrir ses caprices :
Et les Romains enfin, ont eu souvent des cœurs,
Qui mesme estans vaincus, ont bravé leurs vainqueurs.
Toute la terre a sceu l’exemple de Scevole :
Dix siecles apres luy, l’illustre bruit en vole :
Encore luit se feu dont il brusla sa main :
Et le Romain, seigneur, paroist tousjours Romain.
Mais il est certains maux plus grands que la constance :
Des maux que l’on augmente avec la resistance :
Des maux où le courage est un foible secours :
Et qui n’ont point de fin qu’en celle de nos jours.
A ces mots de nouveau ce grand captif soûpire :
Et le roy qui comprend ce qu’il a voulu dire,
Soûpire comme luy ; puis d’un air fort charmant,
Je vous entends, dit-il, et vous estes amant.
Oüy, je le suis seigneur, respond alors Valere ;
Et si de mes malheurs le recit pouvoit plaire,
Je ferois confesser à vostre majesté,
Que puis qu’à mon amour nul espoir n’est resté,