Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/387

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Et quand on voit certain un extreme mal-heur,
L’attendre c’est furie, aussi-tost que valeur.
Levez, levez le siege, ô prince magnanime :
En conservant les Goths, conservez vostre estime :
Par là vostre grand cœur, sera peu satisfait,
Mais aussi vostre camp ne sera pas deffait.
Que l’interest public, l’emporte sur vostre ame :
Ouy, sauvez vos sujets, pour vous sauver de blasme :
On ne peut vaincre Rome ; il est trop mal-aisé :
En un mot c’est assez que de l’avoir osé.
A ces mots, Hildegrand luy coupe la parole :
Et jettant ses regards vers le haut Capitole,
Seigneur, dit-il au roy, quels que soient les hasars,
Alaric doit monter où montoient les Cesars.
La resolution d’une haute entreprise,
Se doit examiner, avant qu’elle soit prise :
Voir quels sont les perils, que l’on y peut trouver ;
Mais quand on la commence, il la faut achever.
Attaquer sans prevoir, c’est manquer de prudence :
Quitter ayant preveu, c’est manquer de vaillance :
Rien ne surprend le sage, au milieu des combats :
Et s’il paroist surpris, sans doute il ne l’est pas.
O prince glorieux, que l’univers renomme,
Ignorions-nous à Birch, ce qu’on sçait devant Rome ?
De deux grands empereurs, nous sçavions le pouvoir :
Ce qu’ils font aujourd’huy, nous l’avons deû prevoir.
Je sçay qu’en demeurant, la fortune est douteuse :
Mais je sçay mieux encor que la fuite est honteuse :