Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/450

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Apelle auroit peine à tracer ;
Mais portraits que le temps ne sçauroit effacer.
Les muses à l’envy d’une main liberale,
Formeront de leurs fleurs sa couronne royale :
Et la reyne imitant leur liberalité,
Sçaura bien meriter son immortalité.
Quand l’astre qui du ciel fait tomber la richesse,
Ne feroit les metaux que pour cette princesse ;
Et quand son influence, en travaillant à l’or,
N’auroit point d’autre objet que d’emplir son thresor :
Quand ce flambeau du monde encor plus magnifique,
Redoublant sa chaleur sur la terre gothique,
Y changeroit le plomb, et le cuivre, et le fer,
En ces riches metaux, cachez pres de l’enfer :
Cette ame grande et noble, autant que genereuse,
N’assisteroit pas mieux la vertu malheureuse :
Et ce cœur liberal, et ce cœur sans pareil,
Donneroit autant d’or qu’en feroit le soleil.
Mais l’art de le donner redoublera la grace :
De sa rare bonté l’on y verra la trace :
Et l’air de son visage, et le ton de sa voix,
Avec un seul bien-fait obligera deux fois.
Je la voy, je la voy, cette illustre amazone,
Quitter souvent le sceptre, et descendre du throsne ;
Carresser noblement un sçavant comme un roy ;
S’abaisser jusqu’à luy ; l’eslever jusqu’à soy ;
Et sans considerer l’esclat qui l’environne,
Preferer ses lauriers à l’or de sa couronne.