Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/70

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Soumettez vostre esprit à nostre jugement,
Et ne prononcez plus si souverainement.
Le sceptre et l’encensoir, furent aux mains d’Auguste ;
Mais parmy les Chrestiens le partage est plus juste :
Craignez du Dieu vivant, le terrible courroux :
Regnez sur vos sujets, et qu’il regne sur vous. »
Le roy sans s’esmouvoir à cette aigre censure,
Loin d’abaisser son cœur, l’esleve et le r’assure :
Et jugeant que ce zele est un effet d’amour,
Fait signe à l’amiral qu’il luy parle à son tour.
« Seigneur pardonnez-moy (dit alors ce grand homme)
Si ma voix fait à Birch, ce qu’on fera dans Rome ;
Si j’ose vous combattre, et vous representer,
La grandeur du peril que vous allez tenter.
La distance des lieux me choque et m’espouvante :
Vous ne l’ignorez-pas, vostre ame en est sçavante ;
Il vous faut traverser des terres et des mers ;
Des fleuves et des bois ; des monts et des deserts ;
Et loin de tout secours, et sans resource aucune,
Donner tout au hazard, et tout à la fortune.
En menant peu de gents, Rome vous defera :
Avec un camp nombreux, la faim vous destruira :
Et si ce mal arrive, apres vostre deffaite,
Quel azile, seigneur, vous offre une retraite ?
Tout vous sera contraire, et les peuples soûmis,
Se feront voir alors vos plus grands ennemis.
Je sçay que les Romains sont venus sur nos terres,
Sans craindre les dangers, ni les travaux des guerres ;