Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/83

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Mais son devoir le pousse, et les ordres des cieux,
Le font determiner à partir de ces lieux.
L’honneur et le devoir, par leurs forces unies,
Combattent de l’amour les forces infinies :
Ils triomphent enfin, et ce grand conquerant,
Ne leur resiste plus, et cede en soûpirant.
Luy-mesme sur luy-mesme emporte la victoire :
Du chemin des plaisirs, de celuy de la gloire,
Il prend le difficile, et d’un choix de heros,
Il prefere à la fin le travail au repos.
Mais pendant qu’il resout cette grande matiere,
La belle Amalasonthe aussi triste que fiere,
Souffrant de tous les maux la derniere rigueur,
S’abandonne au despit qui deschire son cœur.
« Quoy, dit-elle en pleurant, trop foible Amalasonthe,
L’on t’ose resister ! Tu souffres cette honte !
Et l’on vient de t’entendre, en ce lasche moment,
Non seulement prier, mais prier vainement.
O cœur, indigne cœur, qu’est alors devenuë,
Cette noble fierté si belle et si connuë ;
Ce noble et bel orgueil, qui t’a fait mille fois,
Regarder à tes pieds les sceptres et les rois ?
Puis que tu n’es pas mort, tu merites ta peine :
Tu n’es pas comparable à la grandeur romaine :
Alaric à raison de l’aimer plus que toy,
Et tu n’as pas sujet de le croire sans foy.
Non, ne nous flattons point, cœur foible, cur timide ;
Il faloit, ou mourir, ou haïr ce perfide :