Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/43

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Ha ! Madame, c'est trop ; et votre jugement,

En cette occasion s'égare assurément : [710]

De quels profonds respects ne vous ai-je honorée ?

N'êtes-vous pas servie, ou plutôt adorée ?

Ne commandez-vous pas en ces lieux plus que moi ?

Ne fais-je pas l'esclave, encor que je sois roi ?

Et moi qui fais trembler, et l'Europe, et l'Afrique, [715]

N'ai-je pas trop souffert, votre humeur tyrannique,

N'ai-je pas enduré sans oser murmurer,

Ce qu'un simple sujet ne pourrait endurer ?

Enfin tant de mépris et tant d'ingratitude,

Un orgueil si constant, un traitement si rude, [720]

Un esprit inflexible, un coeur sans amitié,

Un coeur qui ne connait, ni raison, ni pitié,

Forcent ma patience, au milieu de mes larmes

De se désespérer, et de prendre les armes.

Elle les prend madame, et dans l'extremité, [725]

Ou vous avez réduit mon courage irrité,

Tout ce que je puis faire en l'état où nous sommes,

En présence du ciel, en présence des hommes,

C'est de vous protester pour la dernière fois,

Que si votre rigueur, n'est sensible à ma voix ; [730]

Si vous ne vous portez à m'être moins cruelle ;

Si vous ne recevez une ardeur mutuelle ;

Si vous ne recevez un sceptre tant offert ;

Je vaincrai par la force, un orgueil qui me perd :

Madame songez-y, sans tarder d'avantage, [735]

Car je suis Genséric, et je suis à Carthage.