Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/210

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des bisons et les groupes des chasseurs deviennent ainsi de plus en plus compactes. À ce moment, les Indiens commencent à décharger leurs fusils, à tirer leurs flèches, à lancer leurs dards. Beaucoup d’animaux tombent sous leurs coups avant d’atteindre le parc  ; le plus grand nombre toutefois se rue vers l’entrée. Ils ne s’aperçoivent que trop tard du piège qui leur est tendu  ; les plus avancés tentent de revenir sur leurs pas, mais la foule effrayée qui les suit les force de s’avancer, et ils se précipitent pêle-mêle dans l’enclos, au milieu des hourras et des cris de joie de toute la tribu, et des décharges répétées des armes à feu.

Dès que les animaux sont claquemurés dans le parc, on en ferme l’entrée et on les tue à coups de flèches, de lances et de dards. Les hommes, les femmes et les enfants, au comble du bonheur par le succès de la chasse et du carnage des bisons, prennent part à la grande boucherie, et commencent à écorcher et à découper les animaux. Pour les voir se livrer à cette révoltante opération, il faut être un peu fait à leurs mœurs et à leurs habitudes, sans quoi on ne pourrait s’empêcher d’en éprouver du dégoût. Pendant qu’ils dépècent, coupent et taillent, les femmes et les enfants dévorent, tout crus et encore chauds, les foies, les rognons, le cerveau, etc. ; ils se barbouillent le visage, le cou, les cheveux, les bras et les jambes avec le sang des animaux tués  ; de tous côtés on n’entend que des clameurs confuses  ; on crie à tue-tête, on s’emporte,