Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/240

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jusqu’à la bride et la selle de son coursier, tout était orné de chevelures, trophées remportés sur ses ennemis. Il fut surnommé le Borgne ou Istagon, parce que, dans une bataille, une flèche ennemie lui avait crevé un œil.

Tchatka était jaloux du pouvoir d’Istagon et de l’ascendant que celui-ci exerçait sur toute la tribu. Il n’avait osé jusque-là porter atteinte aux jours de son oncle  ; car il craignait son courroux. Tchatka voulait s’assurer d’une protection dont il avait besoin aussi longtemps que vivraient ceux qui pouvaient s’opposer à ses menées ambitieuses. Aucun fait d’armes, aucun trophée remporté sur l’ennemi ne pouvait l’autoriser à élever un peu haut ses prétentions. Par ses ménagements et ses flatteries, par une attention assidue et une soumission feinte aux moindres désirs de son oncle, ce jeune homme si rusé avait réussi à gagner totalement son amitié et sa confiance. On se voyait plus souvent qu’à l’ordinaire  ; on donnait des festins où semblait régner la plus franche cordialité. Un soir, Tchatka servit à son hôte un plat empoisonné  ; l’oncle, selon la coutume des sauvages, mangea le tout avec grand appétit. Sachant, par expérience, qu’au bout de quelques heures le fatal ingrédient aurait produit son effet, Tchatka fit inviter tous les principaux braves du camp à se rendre chez lui annonçant qu’il avait une affaire de la plus haute importance à leur communiquer. Il plaça son Wah-kon dans l’endroit le plus apparent de sa