Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/277

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dit : «  Mon frère, je suis venu au fort pour mourir au milieu des blancs.  » — M.  Denig n’ajoutant aucune importance à ces paroles, le vieillard les répéta une seconde fois et ajouta : — «  Avez-vous compris ce que j’ai dit  ? Cette visite au fort est ma dernière. Je mourrai ici  !   » — M.  Denig s’informa alors de la santé de Tchatka, et lui demanda s’il avait éprouvé quelque mal. Il interrogea en même temps d’autres Indiens. Tous lui assurèrent que Tchatka était bien portant comme à l’ordinaire  ; mais qu’avant de quitter le village, il leur avait cependant prédit «  que sa dernière heure était proche, et qu’avant le soleil couchant du lendemain, son esprit s’envolerait au pays des âmes. ». Les officiers du fort, informés de cette étrange nouvelle, firent appeler Tchatka pour l’interroger sur sa prédiction. Ils craignaient quelque tour de sa part, en se rappelant toutes les fourberies et les cruautés qu’il avait exercées envers sa tribu, ainsi que sa noire trahison et ses trames odieuses contre les gens du fort, en 1831. Il leur déclara qu’il se portait bien et qu’il n’avait éprouvé aucun mal. «  Je vous le répète, encore, continua-t-il, mon temps est venu ;… mes manitous m’appellent ;… je les ai vus dans mon rêve  ; … il faut que je parte… Oui, demain le soleil ne se couchera point dans sa loge empourprée, avant que mon esprit ne s’envole au pays des esprits.  » — Dans la soirée, il prit un bon souper et dormit ensuite paisiblement  ; les autres Indiens veillèrent et s’amusèrent