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DE L’ESPRIT DE CONVERSATION

ver toute leur force pour les grandes ; ils devroient apprendre des Français à ne pas confondre l’opiniâtreté avec l’énergie, la rudesse avec la fermeté ; ils devroient aussi, lorsqu’ils sont capables du dévouement entier de leur vie, ne pas la rattraper en détail par une sorte de personnalité minutieuse que ne se permettroit pas le véritable égoïsme ; enfin ils devroient puiser dans l’art même de la conversation l’habitude de répandre dans leurs livres cette clarté qui les mettroit à la portée du plus grand nombre, ce talent d’abréger, inventé par les peuples qui s’amusent, bien plutôt que par ceux qui s’occupent, et ce respect pour de certaines convenances qui ne porte pas à sacrifier la nature, mais à ménager l’imagination. Ils perfectionneroient leur manière d’écrire par quelques-unes des observations que le talent de parler fait naître : mais ils auraient tort de prétendre à ce talent tel que les Français le possèdent.

Une grande ville qui serviroit de point de ralliement seroit utile à l’Allemagne pour rassembler les moyens d’étude, augmenter les ressources des arts, exciter l’émulation ; mais si cette capitale développoit chez les Allemands le goût des plaisirs de la société dans toute leur élégance, ils y perdroient la bonne foi scrupuleuse, le travail