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LA PRUSSE

haiter que des principes libéraux tempèrent en lui l’action du despotisme. Frédéric introduisit la liberté de penser dans le nord de l’Allemagne ; la réformation y avoit amené l’examen, mais non pas la tolérance ; et, par un contraste singulier, on ne permettoit d’examiner qu’en prescrivant impérieusement d’avance le résultat de cet examen. Frédéric mit en honneur la liberté de parler et d’écrire, soit par ces plaisanteries piquantes et spirituelles qui ont tant de pouvoir sur les hommes quand elles viennent d’un roi, soit par son exemple, plus puissant encore ; car il ne punit jamais ceux qui disoient ou imprimoient du mal de lui, et il montra dans presque toutes ses actions la philosophie dont il professoit les principes.

Il établit dans l’administration un ordre et une économie qui a fait la force intérieure de la Prusse, malgré tous ses désavantages naturels. Il n’est point de roi qui se soit montré aussi simple que lui dans sa vie privée, et même dans sa cour : il se croyoit chargé de ménager autant qu’il étoit possible l’argent de ses sujets. Il avoit en toutes choses un sentiment de justice que les malheurs de sa jeunesse et la dureté de son père avoient gravé dans son cœur. Ce sentiment est