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DE L’ALLEMAGNE

belle qu’elle soit, ne fait pas une impression assez sérieuse ; on n’y aperçoit point l’empreinte de l’histoire du pays, ni du caractère des habitants, et ces magnifiques demeures nouvellement construites ne semblent destinées qu’aux rassemblements commodes des plaisirs et de l’industrie. Les plus beaux palais de Berlin sont bâtis en briques ; on trouveroit à peine une pierre de taille dans les arcs de triomphe. La capitale de la Prusse ressemble à la Prusse elle-même ; les édifices et les institutions y ont âge d’homme, et rien de plus, parce qu’un homme seul en est l’auteur.

La cour, présidée par une reine belle et vertueuse, étoit imposante et simple tout à la fois ; la famille royale, qui se répandoit volontiers dans la société, savoit se mêler noblement à la nation, et s’identifioit dans tous les cœurs avec la patrie. Le roi avoit su fixer à Berlin J. de Müller, Ancillon, Fichte, Humboldt, Hufeland, une foule d’hommes distingués dans des genres différents ; enfin tous les éléments d’une société charmante et d’une nation forte étoient là : mais ces éléments n’étoient point encore combinés ni réunis. L’esprit réussissoit cependant d’une façon plus générale à Berlin qu’à Vienne ; le héros du pays, Frédéric, ayant été un homme prodigieusement