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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

rien d’original, rien qui fût conforme au génie naturel de la nation. Ces auteurs vouloient atteindre à la grâce française sans que leur genre de vie ni leurs habitudes leur en donnassent l’inspiration ; ils s’asservissoient à la règle sans avoir ni l’élégance, ni le goût qui peuvent donner de l’agrément à ce despotisme même. Une autre école succéda bientôt à l’école française, et ce fut dans la Suisse allemande qu’elle s’éleva ; cette école étoit d’abord fondée sur l’imitation des écrivains anglais. Bodmer, appuyé par l’exemple du grand Haller, tâcha de démontrer que la littérature anglaise s’accordoit mieux avec le génie des Allemands que la littérature française. Gottsched, un savant sans goût et sans génie, combattit cette opinion. Il jaillit une grande lumière de la dispute de ces deux écoles. Quelques hommes alors commencèrent à se frayer une route par eux-mêmes. Klopstock tint le premier rang dans l’école anglaise, comme Wieland dans l’école française ; mais Klopstock ouvrit une carrière nouvelle à ses successeurs, tandis que Wieland fut à la fois le premier et le dernier dans l’école française du dix-huitième siècle : le premier, parce que nul n’a pu dans ce genre s’égaler à lui ; le dernier, parce qu’après lui les écrivains allemands suivirent une route tout-à-fait différente.