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GOETHE

ce qui distingue l’esprit allemand, et nul n’est aussi remarquable par un genre d’imagination dont les Italiens, les Anglais ni les Français ne peuvent réclamer aucune part.

Goethe ayant écrit dans tous les genres, l’examen de ses ouvrages remplira la plus grande partie des chapitres suivants ; mais la connoissance personnelle de l’homme qui a le plus influé sur la littérature de son pays sert, ce me semble, à mieux comprendre cette littérature.

Goethe est un homme d’un esprit prodigieux en conversation ; et, l’on a beau dire, l’esprit doit savoir causer. On peut présenter quelques exemples d’hommes de génie taciturnes : la timidité, le malheur, le dédain ou l’ennui en sont souvent la cause ; mais en général l’étendue des idées et la chaleur de l’âme doivent inspirer le besoin de se communiquer aux autres ; et ces hommes, qui ne veulent pas être jugés par ce qu’ils disent, pourroiont bien ne pas mériter plus d’intérêt pour ce qu’ils pensent. Quand on sait faire parler Goethe, il est admirable ; son éloquence est nourrie de pensées ; sa plaisanterie est en même temps pleine de grâce et de philosophie ; son imagination est frappée par les objets extérieurs, comme l’étoit celle des artistes chez les