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DU STYLE ET DE VERSIFICATION

mollesse et d’indolence : mais quand on s’élève vers les montagnes, l’accent devient plus fort, et l’on diroit que les habitants de ces lieux élevés veulent se faire entendre au reste du monde du haut de leurs tribunes naturelles. On retrouve dans les dialectes germaniques les traces des diverses influences que je viens d’indiquer.

L’allemand est en lui-même une langue aussi primitive et d’une construction presque aussi savante que le grec. Ceux qui ont fait des recherches sur les grandes familles des peuples ont cru trouver les raisons historiques de cette ressemblance : toujours est-il vrai qu’on remarque dans l’allemand un rapport grammatical avec le grec ; il en a la difficulté sans en avoir le charme ; car la multitude des consonnes dont les mots sont composés les rendent plus bruyants que sonores. On diroit que ces mots sont par eux-mêmes plus forts que ce qu’ils expriment, et cela donne souvent une monotonie d’énergie au style. Il faut se garder cependant de vouloir trop adoucir la prononciation allemande : il en résulte un certain gracieux maniéré tout-à-fait désagréable : on entend des sons rudes au fond, malgré la gentillesse qu’on essaie d’y mettre, et ce genre d’affectation déplaît singulièrement.