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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

transportée dans la poésie, n’appartenoit qu’à la France, et Voltaire, en fait de grâce, étoit le premier des écrivains français. Il seroit intéressant de comparer les stances de Schiller sur la perte de la jeunesse, intitulées l’Idéal, avec celles de Voltaire.

Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours, etc.

On voit, dans le poëte français, l’expression d’un regret aimable, dont les plaisirs de l’amour et les joies de la vie sont l’objet : le poëte allemand pleure la perte de l’enthousiasme et de l’innocente pureté des pensées du premier âge ; etc’est par la poésie et la pensée qu’il se flatte d’embellir encore le déclin de ses ans. Il n’y a pas dans les stances de Schiller cette clarté facile et brillante que permet un genre d’esprit à la portée de tout le monde ; mais on y peut puiser des consolations qui agissent sur l’âme intérieurement. Schiller ne présente jamais les réflexions les plus profondes que revêtues de nobles images : il parle à l’homme comme la nature elle même ; car la nature est tout à la fois penseur et poète. Pour peindre l’idée du temps, elle fait couler devant nos yeux les flots d’un fleuve inépuisable ; et pour que sa jeu-