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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

nation, l’effet des instruments qu’on connoit, que les accords et les contrastes d’un rhythme et d’une langue qu’on ignore. Tantôt la brièveté régulière du mètre fait sentir l’activité des forgerons, l’énergie bornée, mais continue, qui s’exerce dans les occupations matérielles ; et tantôt, à côté de ce bruit dur et fort, l’on entend les chants aériens de l’enthousiasme et de la mélancolie.

L’originalité de ce poëme est perdue quand on le sépare de l’impression que produisent une mesure de vers habilement choisie et des rimes qui se répondent comme des échos intelligents que la pensée modifie ; et cependant ces effets pittoresques des sons seroient très-hasardés en français. L’ignoble nous menace sans cesse : nous n’avons pas, comme presque tous les autres peuples, deux langues, celle de la prose et celle des vers ; et il en est des mots comme des personnes, là où les rangs sont confondus, la familiarité est dangereuse.

Une autre pièce de Schiller, Cassandre pourroit plus facilement se traduire en français, quoique le langage poétique y soit d’une grande hardiesse. Cassandre, au moment où la fête des noces de Polyxènc avec Achille va commencer, est saisie par le pressentiment des malheurs qui résul-