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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

avidement d’un vin couleur de sang, semblable à celui que prenoient les ombres dans l’Odyssée pour se retracer leurs souvenirs ; mais elle refuse obstinément le moindre morceau de pain : elle donne une chaîne d’or à celui dont elle devoit être l’épouse, et lui demande une boucle de ses cheveux ; le jeune homme, que ravit la beauté de la jeune fille, la serre dans ses bras avec transport, mais il ne sent point de cœur battre dans son sein ; ses membres sont glacés. — N’importe, s’écrie-t-il, je saurai te ranimer, quand le tombeau même t’auroit envoyée vers moi. —

Et alors commence la scène la plus extraordinaire que l’imagination en délire ait pu se figurer ; un mélange d’amour et d’effroi, une union redoutable de la mort et de la vie. Il ya comme une volupté funèbre dans ce tableau, où l’amour fait alliance avec la tombe, où la beauté même ne semble qu’une apparition effrayante.

Enfin la mère arrive, et convaincue qu’une de ses esclaves s’est introduite chez l’étranger, elle veut se livrer à son juste courroux ; mais tout à coup la jeune fille grandit jusqu’à la voûte comme une ombre, et reproche à sa mère d’avoir causé sa mort en lui faisant prendre le voile. — « Oh !