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DES MŒURS DES ALLEMANDS

mands ont trop de considération pour les étrangers et pas assez de préjugés nationaux. C’est une qualité dans les individus que l’abnégation de soi-même et l’estime des autres ; mais le patriotisme des nations doit être égoïste. La fierté des Anglais sert puissamment à leur existence politique ; la bonne opinion que les Français ont d’eux-mêmes a toujours beaucoup contribué à leur ascendant sur l’Europe ; le noble orgueil des Espagnols les a rendus jadis souverains d’une portion du monde. Les Allemands sont Saxons, Prussiens, Bavarois, Autrichiens ; mais le caractère germanique, sur lequel devroit se fonder la force de tous, est morcelé comme la terre même qui a tant de différents maîtres.

J’examinerai séparément l’Allemagne du midi et celle du nord : mais je me bornerai maintenant aux réflexions qui conviennent à la nation entière. Les Allemands ont en général de la sincérité et de la fidélité ; ils ne manquent presque jamais à leur parole, et la tromperie leur est étrangère. Si ce défaut s’introduisoit jamais en Allemagne, ce ne pourroit être que par l’envie d’imiter les étrangers, de se montrer aussi habiles qu’eux, et surtout de n’être pas leur dupe ; mais le bon sens et le bon cœur rameneroient bientôt les