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LUTHER

de Berlin, et c’est facile à concevoir. Les paroles, quelque belles qu’elles soient, ne peuvent changer notre disposition intérieure aussi rapidement que la musique ; Luther la considéroit comme un art qui appartenoit à la théologie, et servoit puissamment à développer les sentiments religieux dans le cœur de l’homme.

Le rôle de Charles-Quint, dans la diète de Worms, n’est pas exempt d’affectation, et par conséquent il manque de grandeur. L’auteur a voulu mettre en opposition l’orgueil espagnol et la simplicité rude des Allemands ; mais, sans compter que Charles-Quint avoit trop de génie pour être exclusivement de tel ou tel pays, il me semble que Werner auroit dû se garder de présenter un homme, d’une volonté forte, proclamant ouvertement et surtout inutilement cette volonté. Elle se dissipe pour ainsi dire en l’exprimant ; et les souverains despotiques ont toujours fait plus de peur par ce qu’ils cachoient que par ce qu’ils laissoient voir.

Werner, à travers le vague de son imagination, a l’esprit très-fin et très-observateur ; mais il me semble que, dans le rôle de Charles-Quint, il a pris des couleurs qui ne sont pas nuancées comme la nature.