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KANT.

d’abord l’image des supplices qu’ils ont soufferts confond notre pensée ; mais, par degrés, nous reprenons des forces, et la sympathie que nous nous sentons avec la grandeur d’âme nous fait espérer que nous aussi nous saurions triompher des misérables sensations de cette vie, pour rester vrais, nobles et fiers jusqu’à notre dernier jour.

Au reste, personne ne sauroit définir ce qui est pour ainsi dire au sommet de notre existence ; nous sommes trop élevés a l’égard de nous-mêmes pour nous comprendre, dit saint Augustin. Il seroit bien pauvre en imagination celui qui croiroit pouvoir épuiser la contemplation de la plus simple fleur ; comment donc parviendroit-on à connoitre tout ce que renferme l’idée du sublime ?

Je ne me flatte assurément pas d’avoir pu rendre compte, en quelques pages, d’un système qui occupe, depuis vingt ans, toutes les têtes pensantes de l’Allemagne ; mais j’espère en avoir dit assez pour indiquer l’esprit général de la philosophie de Kant, et pour pouvoir expliquer dans les chapitres suivants l’influence qu’elle a exercée, sur la littérature, les sciences et la morale.