Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
DES PHILOSOPHES ALLEMANDS.

liers ; le sentiment du devoir, et la personnalité. Le plus noble de ces deux mouvements c’est l’universel. Mais c’est précisément parce que nous avons un instinct, conservateur de l’existence, qu’il est beau de le sacrifier ; c’est parce que nous sommes des êtres concentrés en nous-mêmes, que notre attraction vers l’ensemble est généreuse enfin, c’est parce que nous subsistons individuellement et séparément, que nous pouvons nous choisir et nous aimer les uns et les autres. Que seroit donc cette immortalité abstraite qui nous dépouilleroit de nos souvenirs les plus chers comme de modifications accidentelles ?

— Voulez-vous, disent-ils en Allemagne, ressusciter avec toutes vos circonstances actuelles, renaître baron ou marquis ? — Non sans doute ; mais qui ne voudroit pas renaître fille et mère, et comment seroit-on soi si l’on ne ressentoit plus les mêmes amitiés ! Les vagues idées de réunion avec la nature détruisent à la longue l’empire de la religion sur les âmes, car la religion s’adresse à chacun de nous en particulier. La Providence nous protége dans tous les détails de notre sort. Le christianisme se proportionne à tous les esprits, et répond comme un confident aux besoins individuels de notre cœur. Le panthéisme, au