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NOUVELLE PHILOSOPHIE ALLEMANDE.

Quand les obstacles ont irrité les esprits, l’exagération s’est mêlée à cette révolution philosophique d’ailleurs si salutaire. Les Allemands de la nouvelle école pénètrent avec le flambeau du génie dans l’intérieur de l’âme. Mais quand il s’agit de faire entrer leurs idées dans la tête des autres, ils en connoissent mal les moyens ; ils se mettent à dédaigner, parce qu’ils ignorent, non la vérité, mais la manière de la dire. Le dédain, excepté pour le vice, indique presque toujours une borne dans l’esprit, car, avec plus d’esprit encore, on se seroit fait comprendre même des esprits vulgaires, ou du moins on l’auroit essayé de bonne foi.

Le talent de s’exprimer avec méthode et clarté est assez rare en Allemagne : les études spéculatives ne le donnent pas. Il faut se placer pour ainsi dire en dehors de ses propres pensées pour juger de la forme qu’on doit leur donner. La philosophie fait coimoître l’homme plutôt que les hommes. C’est l’habitude de la société qui seule nous apprend quels sont les rapports de notre esprit avec celui des autres. La candeur d’abord, et l’orgueil ensuite, portent les philosophes sincères et sérieux à s’indigner contre ceux qui ne pensent pas ou ne sentent pas comme eux. Les