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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

tout n’étoit pas réduit à deux idées très-simples et très-claires, l’intérêt ou le devoir. Les hommes énergiques, quelle que soit celle de ces deux directions qu’ils suivent, vont tout droit au but sans s’embarrasser des théories, qui ne trompent ni ne persuadent plus personne.

— Vous voilà donc revenue, dira-t-on, à vanter, comme nous, l’expérience et l’observation. — Je n’ai jamais nié qu’il ne fallût l’une et l’autre pour se mêler des intérêts de ce monde ; mais c’est dans la conscience de l’homme que doit être le principe idéal d’une conduite extérieurement dirigée par de sages calculs. Les sentiments divins sont ici-bas en proie aux choses terrestres, c’est la condition de l’existence. Le beau est dans notre âme et la lutte au dehors. Il faut combattre pour la cause de l’éternité, mais, avec les armes du temps ; nul individu n’arrive, ni par la philosophie spéculative, ni par la connoissânce des affaires seulement, à toute la dignité du caractère de l’homme ; et les institutions libres ont seules l’avantage de fonder dans les nations une morale publique, qui donne aux sentiments exaltés l’occasion de se développer dans la pratique de la vie.