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DE LA MORALE, etc.

homme d’esprit, personne ne le surpassoit dans la connoissance fine et profonde de ceux avec lesquels il avoit quelque relation mais il s’étoit décidé par un acte de sa conscience à ne jamais reculer devant les conséquences, quelles qu’elles fussent, d’une résolution commandée par le devoir. On peut juger diversement les événements de la révolution française ; mais je crois impossible à un observateur impartial de nier qu’un tel principe généralement adopté auroit sauvé la France des maux dont elle a gémi, et, ce qui est pis encore, de l’exemple qu’elle a donné.

Pendant les époques les plus funestes de la terreur, beaucoup d’honnêtes gens ont accepté des emplois dans l administration, et même dans les tribunaux criminels, soit pour y faire du bien, soit pour diminuer le mal qui s’y commettoit ; et tous s’appuyoient sur un raisonnement assez généralement reçu, c’est qu’ils empêchoient un scélérat d’occuper la place qu’ils remplissoient, et rendoient ainsi service aux opprimés. Se permettre de mauvais moyens pour un but que l’on croit bon, c’est une maxime de conduite singulièrement vicieuse dans son principe. Les hommes ne savent rien de l’avenir, rien d’eux-mêmes pour demain ; dans chaque circonstance et dans