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DE L’AMOUR DANS LE MARIAGE.

veut se vouer au long amour, lien de cette vie avec l’autre ! ah ! qu’un regard fier et mâle est beau, lorsqu’en même temps il est modeste et pur ! on y voit passer un rayon de cette pudeur, qui peut se détacher de la couronne des vierges saintes pour parer même un front guerrier.

Si le jeune homme veut partager avec un seul objet les jours brillants de sa jeunesse, il trouvera sans doute parmi ses contemporains des railleurs qui prononceront sur lui ce grand mot de duperie, la terreur des enfants du siècle. Mais est-il dupe le seul qui sera vraiment aimé ? car les angoisses ou les jouissances de l’amour-propre forment tout le tissu des affections frivoles et mensongères. Est-il dupe celui qui ne s’amuse pas à tromper pour être à son tour plus trompé, plus déchiré peut-être que sa victime ? Est-il dupe enfin celui qui n’a pas cherché le bonheur dans les misérables combinaisons de la vanité, mais dans les éternelles beautés de la nature, qui parlent toutes de constance, de durée, et de profondeur ?

Non, Dieu a créé l’homme le premier comme la plus noble des créatures, et la plus noble est celle qui a le plus de devoirs. C’est un abus sin-