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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

été très-manifeste chez les peuples du nord, et même avant l’introduction du christianisme ce penchant s’est fait voir à travers la violence des passions guerrières. Les Grecs avoient foi aux merveilles extérieures ; les nations germaniques croient aux miracles de l’âme. Toutes leurs poésies sont rernplies de pressentiments, de présages, de prophéties du cœur ; et tandis que les Grecs s’unissoient à la nature par les plaisirs, les habitants du nord s’élevoient jusqu’au Créateur par les sentiments religieux. Dans le midi, le paganisme divinisolt les phénomènes physiques ; dans le nord, on étoit enclin à croire à la magie, parce qu’elle attribue à l’esprit de l’homme une puissance sans bornes sur le monde matériel. L’âme et la nature, la volonté et la nécessité se partagent le domaine de l’existence, et selon que nous plaçons la force en nous-mêmes ou au dehors de nous, nous sommes les fils du ciel ou les esclaves de la terre.

À la renaissance des lettres, les uns s’occupoient des subtilités de l’école en métaphysique, et les autres croyoient aux superstitions de la magie dans les sciences : l’art d’observer ne régnoit pas plus dans l’empire des sens que l’enthousiasme dans l’empire de l’âme ; à peu d’ex-