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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

maines, dans lequel chaque science se rapporte à telle faculté, est sans doute l’un des titres de Bacon à l’admiration de la postérité ; mais ce qui fait sa gloire, c’est qu’il a eu soin de proclamer qu’il falloit bien se garder de séparer d’une manière absolue les sciences l’une de l’autre et que toutes se réunissoient dans la philosophie générale. Il n’est point l’auteur de cette méthode anatomique qui considère les forces intellectuelles chacune à part, et semble méconnoître l’admirable unité de l’être moral. La sensibilité, l’imagination, la raison servent l’une à l’autre. Chacune de ces facultés ne seroit qu’une maladie, qu’une foiblesse au lieu d’une force, si elle n’étoit pas modifiée ou complétée par la totalité de notre être. Les sciences de calcul à une certaine hauteur ont besoin d’imagination. L’imagination à son tour doit s’appuyer sur la connoissance exacte de la nature. La raison semble de toutes les facultés celle qui se passeroit le plus facilement du secours des autres, et cependant si l’on étoit entièrement dépourvu d’imagination et de sensibilité, l’on pourroit à force de sécheresse devenir pour ainsi dire fou de raison, et ne voyant plus dans la vie que des calculs et des intérêts ma-