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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

de dogmatique et d’intolérant. En quoi diffèrent-ils donc entre eux ces hommes religieux dont l’Allemagne s’honore, et pourquoi les noms de catholique ou de protestant les sépareroient-ils ? Pourquoi seroient-ils infidèles aux tombeaux de leurs aïeux pour quitter ces noms ou pour les reprendre ? Klopslock n’a-t-il pas consacré sa vie entière à faire d’un beau poème le temple de l’Évangile ? Herder n’est-il pas, comme Stolberg, adorateur de la Bible ? ne pénètre-t-il pas dans toutes les beautés de la langue primitive et des sentiments d’origine céleste qu’elle exprime ? Jacobi ne reconnoît-il pas la divinité dans toutes les grandes pensées de l’homme ? Aucun de ces hommes recommanderoit-il la religion uniquement comme un frein pour le peuple, comme un moyen de sûreté publique, comme un garant de plus dans les contrats de ce monde ? Ne savent-ils pas tous que les esprits supérieurs ont encore plus besoin de piété que les hommes du peuple ? car le travail maintenu par l’autorité sociale peut occuper et guider la classe laborieuse dans tous les instants de sa vie, tandis que les hommes oisifs sont sans cesse en proie aux passions et aux sophismes qui agitent l’existence et remettent tout en question.