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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

d’incertitude ne devroit-on pas être livré, si notre raison disposoit seule de notre destinée dans ce monde ? Mais si l’on croit, au contraire, qu’il n’y a que deux choses importantes pour le bonheur, la pureté de l’intention et la résignation à l’événement, quel qu’il soit, lorsqu’il ne dépend plus de nous, sans doute beaucoup de circonstances nous feront encore cruellement souffrir, mais aucune ne rompra nos liens avec le ciel. Lutter contre l’impossible est ce qui engendre en nous les sentiments les plus amers ; et la colère de Satan n’est autre chose que la liberté aux prises avec la nécessité, et ne pouvant ni la dompter, ni s’y soumettre.

L’opinion dominante parmi les chrétiens mystiques, c’est que le seul hommage qui puisse plaire à Dieu c’est celui de la volonté dont il a fait don à l’homme : quelle offrande plus désintéressée pouvons-nous, en effet, présenter à la divinité ? Le culte, l’encens, les hymnes ont presque toujours pour but d’obtenir les prospérités de la terre, et c’est ainsi que la flatterie de ce monde entoure les monarques : mais se résigner à la volonté de Dieu, ne vouloir rien que ce qu’il veut, c’est l’acte religieux le plus pur dont l’âme humaine soit capable. Trois som-