Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
321
DE LA MYSTICITÉ.

nier le quiétisme, ne dégoûte de l’activité nécessaire dans cette vie. Mais la nature se charge assez de soulever en nous les passions individuelles pour qu’on n’ait pas beaucoup à craindre d’un sentiment qui les calme.

Nous ne disposons ni de notre naissance, ni de notre mort, et plus des trois quarts de notre destinée sont décidés par ces deux événements. Nul ne peut changer les données primitives de sa naissance, de son pays, de son siècle, etc. Nul ne peut acquérir la figure ou le génie qu’il n’a pas reçus de la nature ; et de combien d’autres circonstances impérieuses encore la vie n’est-elle pas composée ? Si notre sort consiste en cent lots divers, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui ne dépendent pas de nous ; et toute la fureur de notre volonté se porte sur la foible portion qui semble encore en notre puissance. Or l’action de la volonté même sur cette foible portion est singulièrement incomplète. Le seul acte de la liberté de l’homme qui atteigne toujours son but, c’est l’accomplissement du devoir : l’issue de toutes les autres résolutions dépend en entier des accidents auxquels la prudence même ne peut rien. La plupart des hommes n’obtiennent pas ce qu’ils