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DE LA DOULEUR.

c’est pour elle que la religion est un soulagement du remords.

Une idée toujours la même, et revêtant cependant mille formes diverses, fatigue tout à la fois par son agitation et par sa monotonie. Les beaux-arts, qui redoublent la puissance de l’imagination, accroissent avec elle la vivacité de la douleur. La nature elle-même importune quand l’âme n’est plus en harmonie avec elle ; son calme, qu’on trouvoit doux, irrite comme l’indifférence ; les merveilles de l’univers s’obscurcissent à nos regards ; tout semble apparition même au milieu de l’éclat du jour. La nuit inquiète comme si l’obscurité recéloit quelque secret de nos maux, et le soleil resplendissant semble insulter au deuil du cœur. Où fuir tant de souffrances ? Est-ce dans la mort ? Mais l’anxiété du malheur fait douter que le repos soit dans la tombe, et le désespoir est pour les athées même comme une révélation ténébreuse de l’éternité des peines. Que ferions-nous alors ; que ferions-nous, ô mon Dieu ! si nous ne pouvions nous jeter dans votre sein paternel ? Celui qui le premier appela Dieu notre père en savoit plus sur le cœur humain que les plus profonds penseurs du siècle.