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DE LA DOULEUR.

proverbes, et qui sont en effet le code de la sagesse vulgaire. Mais quel rapport y a-t-il entre ces axiomes et les angoisses du cœur ? Tout cela sert très-bien dans les affaires communes de la vie ; mais comment appliquer de tels conseils aux peines morales ? Elles varient toutes selon les individus, et se composent de mille circonstances diverses, inconnues à tout autre qu’à notre ami le plus intime, s’il en est un qui sache s’identifier avec nous. Chaque caractère est presqu’un monde nouveau pour qui sait observer avec finesse, et je ne connois dans la science du cœur humain aucune idée générale qui s’applique complètement aux exemples particuliers.

Le langage de la religion peut seul convenir à toutes les situations et à toutes les manières de sentir ! En lisant les rêveries de J. J. Rousseau, cet éloquent tableau d’un être en proie à une imagination plus forte que lui, je me suis demandé comment un homme d’esprit formé par le monde et un solitaire religieux auroient essayé de consoler Rousseau ! Il se seroit plaint d être haï et persécuté, il se seroit dit l’objet de l’envie universelle et la victime d’une conjuration qui s’étendait depuis le peuple jusqu’aux rois ; il autoit prétendu que tous ses amis l’avoient trahi